ROUMANIE
Les Portes de fer s’ouvrent sur le Parc
naturel
Ca
se passe juste à la frontière entre
la Serbie et la Roumanie, à mi-chemin entre
les Carpates et les Balkans. Le long des flots
du Danube, dans la région des “Portes
de Fer”, la Roumanie décline les
outils de protection de l’environnement
– et de l’Homme - à la française.
Un Parc naturel régional devrait bientôt
voir le jour dans les gorges du Danube.
SOMMAIRE
-La
vie près d’un long fleuve tranquille
-Stigmates
du passé
-En
route vers l’Europe ?
-Vers
un Parc à la française
-Faune
et flore
Ce qui surprend dans la région des Portes
de Fer, c’est la diversité. On est
à la fois en Europe orientale et à
quelques centaines de kilomètres de l'Adriatique,
plongé dans un environnement qui porte
les marques de ces différentes influences.
Les hivers notamment y restent relativement doux,
alors qu'ils sont très rigoureux dans le
reste du pays, soumis à un climat continental.
A Bazias où s’ouvrent les Portes
de Fer, le Danube reçoit la Nera en rive
gauche, puis quitte la plaine pour finir en gorges
à travers l’arc montagneux que l’on
appelle au nord “Carpates” et au sud
“Balkans”. S’en suivent plusieurs
dizaines de kilomètres de vallée
étroite et encaissée. Un spectacle
impressionnant. Au-dessus du golfe de Dubova,
en bordure de la réserve de Ciucaru Mare,
des falaises calcaires de plusieurs centaines
de mètres de hauteur tombent à pic.
Clairsemées de quelques arbres, elles rappellent
les paysages typiques de la Méditerranée…
Le fleuve, majestueux de calme et de puissance,
coule en contrebas. Sur la petite route défoncée
qui longe les rives entre Orsova et Bazias, les
visiteurs n’ont qu’une chose à
faire : s’arrêter et contempler. Devant
eux, un panorama à couper le souffle, où
l'Homme prend pleinement la mesure de sa petitesse
face aux forces de la nature.
Sous
la période communiste, les habitants avaient
l’habitude de conserver les bouteilles
en verre et de les remplir selon l’usage… Désormais,
produits et emballages ne font plus qu’un
et les producteurs de boissons en tout genre
n’ont pas encore inventé de systèmes
de citernes… Résultat ? Des tonnes
de déchets à ciel ouvert.
La
vie près d’un long fleuve tranquille
Qui dit paysage varié, dit
faune et flore bigarrées. En premier lieu
(et malgré l'absence de chiffres précis),
les grands mammifères sont bien représentés
: loups, ours, lynx… qui pour certains attaquent
régulièrement les troupeaux d'ovins.
Leur présence dans les forêts environnantes,
bien que discrète, fait écho aux
mythes de nos campagnes d’autrefois. Le
pays héberge d'ailleurs 15% des ours européens,
qui peuvent y être chassés légalement
en échange d'un "permis de tuer"
d'une valeur de plusieurs milliers d'euros…
Côté oiseaux, la région est
également remarquable. 44 espèces
ont ainsi pu y être observées en
hiver, dont 36 sont protégées par
les Conventions de Berne et de Washington, ou
par la législation européenne. Oiseaux
d’eau douce : grande aigrette, plumes blanches,
longues pattes, le top de l’élégance
; cincle plongeur toujours sous l’eau lorsqu’on
le cherche, foulque macroule à tête
blanche, sarcelle d'hiver au plumage tweedé
raffiné ; fuligules milouinans, garrots
à œil d’or, côtoient leurs
homologues habituellement maritimes : cormorans,
mouettes rieuses, goélands argentés…
Troupes bruyantes, éparpillées à
la surface du fleuve font de ce lieu un véritable
paradis pour les naturalistes.
12%
de la production électrique roumaine est
assurée par le barrage des Portes de Fer.
Mais
la région est également riche d’une
autre diversité, humaine cette fois. Berceau
des grands empires romains, ottomans et austro-hongrois,
elle accueille aujourd’hui, outre les Roumains
de culture latine, de nombreuses minorités
serbes, hongroises ou tchèques… Et
ce malgré le régime centralisateur
et ultra-répressif du Conducator Ceausescu,
en vigueur jusqu’en 1989.
SUITE
© EKWO
|
DOSSIER
ENVIRONNEMENT & PHENOMENES
Textes : Fabien Roussel, Gwénaël Wasse
Photos : DESS Espaces et Milieux (Paris VII)
Pourquoi
les « portes de fer » ?
A l’époque où le défilé
marquait la frontière entre les empires
austro-hongrois et ottomans, une immense chaîne
en fer traversait le fleuve à l’endroit
le plus étroit, matérialisant une
douane pour les navires. C’est l’ensemble
de la région qui a ensuite reçu
ce nom des Portes de Fer
Toutes ces
communautés cohabitent en bonne harmonie,
non seulement entre elles mais également
avec la nature. Dans cette région où
la subsistance occupe encore une place essentielle,
la vie quotidienne s’organise autour du
fleuve. Les uns, pêcheurs, vivent grâce
à l’abondance
vivrière. Les autres, agriculteurs, grâce
aux riches alluvions déposées dans
les plaines au fil des siècles, qui fertilisent
naturellement leurs cultures maraîchères
regroupées en petites parcelles. Un phénomène
amoindri par la présence depuis 1971 d'un
grand barrage hydro-électrique en aval,
qui, régulant artificiellement les crues,
perturbe ce phénomène naturel…
Il n’y a pas que le fleuve qui fournit les
moyens de subsistance, il y a également
la forêt. Les villageois chassent encore
le petit gibier et le bois est exploité
à des fins industrielles locales (chauffage,
constructions…) ou nationales. La quasi-totalité
du territoire est gérée par l'administration
publique forestière (équivalente
de l'ONF), avec pour résultat parfois des
conflits d'usage avec les populations locales,
notamment autour des zones de pâturages.
Stigmates du passé
Cet ouvrier
a été touché par la fermeture
d'une petite cimenterie vouée à
l'abandon, à proximité du village
de Dubova . La situation socio-économique
du territoire des Portes de Fer est alarmante,
avec un taux de chômage qui atteint
30% à Orsova. |
La vie est un
peu différente du côté urbain.
Avec ses 30 000 habitants, Orsova donne un aperçu
des villes moyennes roumaines marquées
par cinquante ans de communisme : structures géométriques
construites à l’identique, bâtiments
massifs déclinant toutes les nuances gris,
larges routes perpendiculaires… Même
l’église orthodoxe semble avoir été
conçue dans cet esprit. Aux alentours,
la région semble avoir des difficultés
à en finir avec l’industrie lourde.
Les vestiges sont encore très visibles.
Trop. Sur le site de Moldova Veche, les résidus
d’exploitation minière gisent à
ciel ouvert. Au milieu d’un paysage superbe
toute la mine n’est plus que bâtiments
dégradés, canalisations qui dégorgent
d’eaux de lavage chargées en sédiments
grisâtres, bassins de décantation
de plusieurs hectares...
Le barrage
des Portes de Fer, d'une capacité de
2 100 MW et cogéré avec la Serbie
est le plus puissant d'Europe. Sa construction
de 1965 à 1971 a fait monter le niveau
des eaux de 30 mètres en amont et englouti
plusieurs dizaines de villages et des hectares
de surface agricole. |
Plus loin, le
tableau n’est guère plus réjouissant.
A proximité d’un ancien port charbonnier,
deux immeubles présentent murs fissurés
rongés par l’humidité, vitres
brisées... Ils accueillent pourtant encore
les rares familles qui n’ont pu s’échapper
à la fermeture de l’exploitation
Equipement
pêche
Outre la chasse et l'agriculture vivrière,
la pêche artisanale est une source d'alimentation
importante pour les habitants de la région.
La faune piscicole locale a subi les effets
écologiques de la construction du barrage
en aval, avec notamment la disparition d'espèces
migratrices en provenance du delta du Danube. |
Dans ce contexte
historique difficile, les villages ont su conserver
une identité forte. L’architecture
villageoise reste traditionnelle : bâtiments
bas et allongés, murs de faïences
colorées (spécialités de
la région du Banat), massives portes en
bois donnant sur une cour intérieure. Des
moulins à eau servent toujours à
la fabrication de farine. Dans la région
des Portes de Fer, les rituels sont des moments
privilégiés de fêtes, la coutume
reste vivante. Les futurs fiancés accrochent
toujours des guirlandes à leurs portes.
Les habitants d’origine serbe célèbrent
chaque année la fête des masques
en habits colorés… Ailleurs encore,
la fête annuelle des villages danubiens,
de Fribourg à la Mer Noire, avec son fameux
concours de la meilleure soupe de poisson…
Dans les villages, toute l’année,
on se retrouve autour des productions artisanales
: confitures de figues, alcool de prunes local
(la tuica) dont les 50° sont un réconfort
les soirs d’hiver.
SUIVANTE
|