Sous les déchets la plage
D’un
coté l’océan, de l’autre
la ville.
Entre les deux : les dunes, une passerelle entre
terre et mer qu’on s’empresse de traverser,
parasol sous le bras. C’est vrai qu’après
onze mois de travail sans avoir vu la côte
ni bâti de châteaux de sable, on n’a
qu’une envie : en finir au plus vite avec
cette dune décidemment toujours aussi raide,
pour enfin atteindre la plage. Pourtant, c’est
un écosystème fabuleux qui s’y
développe et mériterait d’y
être découvert. Et après la
dune, si on allait pêcher ? Mais coquillages
ou crustacés ? Ou peut-être quelques
bouteilles en plastique et un ou deux vieux pneus
? Suivez le guide dans les dunes…
Dunes
et biodiversité,
2 éléments indissociables
De la terre à la mer, grain
de sable après grain de sable, le parcours
a priori monotone est un théâtre
aux décors variés. Peuplées
de dizaines d'espèces, de fleurs uniques
et de gentils lézards, les dunes regorgent
de variété. Sous un soleil implacable,
le paysage est sculpté par les assauts
du vent et de l'océan. Le sol y est mobile,
salé, pauvre en eau et en éléments
nutritifs. C’est selon cette répartition
des contraintes que les plantes ont dû développer
des trésors d’adaptabilité
et trouver chacune leur place dans l’écosystème
pour survivre. Les végétaux qui
aiment le sel sont en première ligne, face
à la mer. Ceux qui ont de longues racines
capables d’aller chercher l’eau en
profondeur et qui résistent au vent, sur
les parties les plus sèches et mobiles.
Pour les plus fragiles, comme les mousses ou les
plantes à fleurs, l’arrière
dune sera parfait. Enfin, des arbres marqueront
parfois la fin de la dune et l’orée
de la forêt.
Parmi cette armada végétale, certaines
recrues ont une histoire, comme le pin maritime,
introduit massivement sous Napoléon III
pour assécher les Landes, une région
alors totalement marécageuse. Ou encore
l’oyat, ces longues herbes sèches
vertes-brunes apportées au XIXème
siècle pour fixer les dunes grâce
à leurs longues racines qui maintiennent
le sable en place.
Prêts pour un safari dunaire ? Entre le
chardon bleu et le liseron soldanelle , en passant
par la salicorne herbacée comestible, à
faire en vinaigrette ou en légumes, les
naturalistes en herbe auront de quoi étrenner
leur nouvel appareil photo. Ne ratez pas non plus
l’immortelle des sables dont les longues
feuilles velues sentent le curry, la giroflée
des dunes, cette touffe de feuilles soyeuses bleues-vertes
ornée de grappes de fleurs mauves, ou encore
le pourpier de mer, petite plante verte brillante
et charnue d’aspect gras. L’occasion
cet été, de redécouvrir un
littoral que vous pensiez peut-être si bien
connaître.
Initiatives
Océanes de 2006 ramassage de 94 m3 de déchets
dont 55% de plastique
Toutefois, avant de remplir votre
herbier ou de vous faire un bouquet marin, songez
au rôle indispensable de ces végétaux
dans le maintien du sable, plus utiles sur place
que dans un vase. Sans eux, la dune ne tiendrait
tout simplement pas. De plus, certaines sont des
espèces protégées au niveau
régional ou national comme, entre autres,
l’oeillet de France et le géranium
sanguin. Amateurs de zoologie, vous ne serez pas
en reste. SUITE
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DOSSIER
ENVIRONNEMENT & PHENOMENES
Texte : Eric Boisteaux
Photos : Eric
Boisteaux,
Conservatoire du littoral, Mer-Terre
13 476
tonnes de déchets ont été
ramassées sur les plages des Pyrénées-Atlantiques
en 2004
En plus de la faune coutumière
des forêts tempérées (renards,
lapins, sangliers), beaucoup d’oiseaux fréquentent
les mêmes plages que vous, telles la sterne
pierregarin dite l’hirondelle des mers,
le goéland argenté ou le gravelot
à collier interrompu, en déclin
au niveau européen et dont il ne subsiste
plus que 1500 couples en France. Les dunes en
abritent certains toute l’année,
tandis qu’elles ne sont qu’une étape
migratoire pour d’autres (comme la mésange
boréale ou le loriot d’Europe). Une
flopée d’insectes, de reptiles et
d’amphibiens vient enrichir ce patrimoine
vivant. Citons par exemple le hanneton foulon,
rare en France, le lézard vert et les petites
rainettes vertes qui restent à l’abri
du domaine boisé.
Les dunes
à l’assaut des terres
Le recul et l’érosion
des dunes sont des phénomènes naturels.
Faute de végétaux pour le retenir
et soumis aux assauts répétés
du vent et de la marée, le sable se retire
au fur et à mesure, mettant en péril
l’intégrité des dunes. Et
la fréquentation humaine n’arrange
pas les choses. Inexorablement, les dunes reculent,
s’effritent, s’effondrent. Et sans
elles, c’est souvent toute une zone ou un
village qui serait à la merci du vent,
des vagues et même d’un ensevelissement
par le sable. Ce fût le cas par exemple
en Aquitaine, il y a quelques années, de
certaines habitations du Cap Ferret, ou à
Soulac-sur-mer pour le sanctuaire de ‘Notre
Dame de la Fin des Terres’, édifice
roman enseveli au XVème siècle et
désensablé en 1859, aujourd'hui
classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Pour y remédier, le Conservatoire du littoral,
en coopération avec l’ONF et les
municipalités, travaillent toute l’année
à la sauvegarde des dunes dont certaines
sont classées réserves naturelles,
forêt de protection, voire réserve
biologique domaniale. Parmi les actions engagées,
l’introduction de végétaux
qui stabilisent les dunes (comme les fameux oyats)
et l’instauration de chemins balisés
pour en éviter le piétinement.
Vous connaissez aussi les ganivelles. Mais si
! Ces clôtures faites de petites lattes
de bois, parfois de filets, qui longent les dunes.
Elles interceptent le sable emporté par
le vent, autant pour en alimenter la dune que
pour empêcher les grains qui la composent
déjà de s’envoler. Toujours
pour piéger le sable au sol, le sommet
des dunes est souvent tapissé de branchages
et autres débris végétaux.
Les dunes de l’Amélie, en Gironde,
ont bénéficié comme tant
d’autres de ces aménagements et d’une
diversification des essences boisées. Le
site dispose maintenant d’une forêt
de résineux et de feuillus, à plusieurs
strates, qui constitue une coupure volontaire
dans l’urbanisation de l’Amélie
avec les communes voisines. Le Conservatoire du
littoral espère ainsi ralentir, à
défaut de pouvoir l’empêcher,
l’érosion marine qui fait reculer
la dune de 7 mètres par an. Plus rarement,
certaines municipalités n’hésitent
pas à disposer, parallèlement à
la mer, des barrières de rochers censées
briser l’élan des vagues trop violentes
pour atténuer l’érosion du
littoral. Contexte qui va empirer avec la montée
des eaux due au réchauffement climatique...
Symbole des ‘vacances
à la mer’, les dunes sont aussi pittoresques
qu’utiles. Elles sont donc la cible d’un
grand nombre de mesures de protection. Mais peut-être
devrions-nous accepter les rythmes de la mer et
du vent, quitte à les laisser se répandre
dans les terrains humides ? Renoncer à
dompter ces gigantesques masses de sable et accepter
leur nature mobile ? Pour finalement organiser
nos activités en fonction de la nature
et de son cycle plutôt que l’inverse.
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