La
flamme
indestructible
Bon marché, pratique et
utile (aux fumeurs), le briquet jetable est
l'archétype du produit
exploité à profusion sur toute la surface du
globe.
La moindre usine se targue d’en fabriquer
aujourd’hui plus de 100 millions d’unités
par an, quand BIC affiche une vente de 4 millions
de briquets jetables par jour… Mais où finissent-ils
?
Les
quantités monumentales de briquets
quasi indestructibles qui sont mises sur le marché chaque
année posent désormais un sérieux
problème de déchets. En effet,
le briquet est un savant assemblage de
plusieurs pièces de différents matériaux (voir
schéma), qui n’a pas été conçu
pour être démonté et doit
répondre à des critères
de sécurité. Son caractère
hétéroclite le rend donc impossible à recycler,
il sera au mieux incinéré en souhaitant
que ce soit dans de bonnes conditions.
Souvent
importé d’Asie où les méthodes
de travail comme de fabrication n’obéissent
pas à des réglementations, le briquet
jetable représente une manne pour de nombreux
fabricants.
Le
marché mondial du briquet jetable
représente aujourd’hui plus
de 7 milliards d’unités par
an.
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Pourtant,
lorsqu’il a été inventé
en 1948, il était rechargeable. Son créateur,
Jean Inglessi, est l’inventeur de la bouteille
à gaz à usage domestique en 1934,
et l’entrepreneur de la marque Primagaz.
Les premiers briquets non rechargeables, donc
jetables, sont créés en France.
CRICKET les lance en 1962, suivi en 1964 par FEUDOR.
En 1971 Marcel BICH, fondateur de la Société
BIC, croit au développement futur du briquet
jetable et décide de se lancer sur ce marché.
En 1974, 290 000 briquets BIC sont vendus chaque
jour dans le monde, dès 1975, presque le
double, et actuellement 4 millions, faisant de
BIC le premier producteur mondial de ces briquets.
Dans les pays industrialisés, les principaux
acteurs sont BIC, CRICKET et TOKAI. Mais depuis
1988, la concurrence vient surtout des
pays asiatiques qui détiennent la moitié
du marché mondial, leurs importations
ayant progressé de 50% sur les marchés
européens et nord américains ces
cinq dernières années. Le secret
? Un prix imbattable. Car ces modèles asiatiques
sont vendus en dessous de leur prix de fabrication,
qui elle-même est au plus bas prix, et les
taxes antidumping sont trop rarement acquittées
par les importateurs, sans compter les copies
de marques…
Le
pire est que ce sont pourla
majorité des briquets qui ne respectent
pas les normes de sécurité ISO 9994,
requises pour les autres fabricants sur les marchés
européens et nord-américains. Malgré
ces évidences, ils n'ont pas fait l'objet
de mesure d’interdiction, de retrait effectif
ou de mise en garde sur le marché.
© EKWO
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DOSSIER ENVIRONNEMENT
& PHENOMENES
texte : Monica Fossati
Quelle alternative ?
Arrêter
de fumer...
Si tant d’exemplaires sont vendus, c’est
bien parce qu’on les achète. Pourtant,
il existe des alternatives, l’idéal
étant le rechargeable, ce bon vieux briquet
dont certes il faut prendre soin de ne pas le
laisser sur une table de bar. Les allumettes ?
Elles ont aussi leur impact environnemental :
les embouts et les frottoirs contiennent des substances
chimiques, quant au bois, méfiance sur
la provenance… Des modèles aboutis
sont en carton recyclé –allumettes
et emballage-, et exempts de soufre et de métaux
lourds. Globalement, on considère qu’un
briquet est environ 30 fois plus polluant
qu’une pochette d’allumettes.
Alors qu’en terme de flamme, un
allumage avec une allumette est quelque 2.5 fois
plus polluant qu'avec un briquet. Il
y a juste un calcul à
faire pour saisir son rechargeable.
Un
poison pour les oiseaux
Deux
études menées en Nouvelle-Zélande
et à Hawaï ont montré que plus
de la moitié de l’alimentation
des albatros était constituée de
plastique, principalement des briquets.
Les coques de ces derniers, lorsqu’elles
flottent à la surface de la mer, apparaissent
comme des œufs aux yeux des oiseaux.
Le danger est qu’en nourrissant ses petits
avec, ils meurent étouffés. Les
adultes souffrent pour leur part de nombreux autres
maux et maladies, jusqu’à la mort.
De nouvelles espèces sont en déclin
à cause de ces déchets.
La
réponse des Canadiens
En
1995 déjà, des fabricants d’allumettes
du Canada ont souligné que l’importation
de plus de 1.5 milliard de briquets en
plastique jetables –mis bout à bout
cela formerait une chaîne faisant 3 fois
le tour de la terre-, au rythme annuel
d’environ 60 millions, entraînait
des suppressions d’emplois dans leur secteur.
Précisant que les composantes d’un
briquet jetable sont non biodégradables
et tirées de ressources non renouvelables,
ils rappelaient que les allumettes en carton sont
fabriquées localement à partir de
ressources renouvelables, composées généralement
de papiers recyclés et donc biodégradables.
En
Inde, le jetable devient rechargeable
On
trouve encore des réparateurs de briquets
dans les grandes villes. Assis par terre devant
une table, une pince, une bombe de gaz et quelques
boites de pièces détachées
(ressorts, pierres, coques, tubes..) ils retapent
le briquet défectueux avec une dextérité
impressionnante. Même les jetables deviennent
rechargeables entre leurs mains : en ôtant
la pierre, par l'orifice du tube de sortie du
gaz, ils remplissent le flacon avec leur bombe.
Prix pour ressusciter un jetable : 2 roupies,
soit env. 4 cents d'euro.
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