Ballade
en forêt
Transgénique
Les
OGM ne concernent plus uniquement les plantes
finissant dans nos assiettes, ou comme nourriture
pour animaux : les arbres sont désormais
aussi concernés. Afin de cerner cette nouvelle
approche de modifications du génome, voici
un tour du monde des arbres transgéniques.
Les Etats-Unis, la Chine, la Nouvelle-Zélande,
le Chili, le Canada, le Japon ou l'Australie,
mais aussi des Etats membres de l'Union européenne
comme la France ou l'Espagne : tous ces pays hébergent
des entreprises ou organismes de recherche qui
développent des projets de modification
d'arbres par transgenèse. Car comme tous
les végétaux, les arbres peuvent
être l'objet de manipulations génétiques
à l'aide de la transgenèse. En 2004,
210 essais en champs d'arbres GM étaient
enregistrés et 520 activités de
recherche et de développement étaient
conduites dans 35 pays.
OGM
made in China
La Chine est le seul pays à développer
commercialement les arbres transgéniques.
Dans les années 80, l'Académie chinoise
pour les forêts démarrait un projet
de recherche sur des peupliers transgéniques,
projet soutenu financièrement, entre 1990
et 1995, par le Programme des Nations unies pour
le Développement (PNUD) et la FAO. En 2002,
un projet de plantation d'arbres en collaboration
avec le Centre Fédéral allemand
de Recherche sur les Forêts et les Produits
Forestiers était lancé. L'année
suivante, le gouvernement chinois autorisait la
commercialisation de peupliers transgéniques
dans le cadre d'une reforestation basée
sur la monoculture, afin de faire face à
la déforestation galopante et ses conséquences
environnementales. C'est ainsi que plus de 1million
de peupliers transgéniques résistant
à des insectes furent plantés et
que 400 000 supplémentaires sont déjà
prévus. Mais le magazine NewScientist a
révélé qu’avec le fonctionnement
de l’administration chinoise, “personne
ne sait exactement où tous ces arbres ont
été plantés”, information
confirmée dans le rapport de la FAO par
le Pr.Wang (Académie chinoise pour les
forêts). Cette situation ne ralentit pourtant
pas le projet, puisqu'en en 2012, le gouvernement
chinois ambitionne une couverture à hauteur
de 44 millions d'hectares.
Transmission allergisante
Même si les arbres forestiers
ne sont généralement pas consommés
directement par l’homme, il en va autrement
des animaux (dont les insectes) qui en consomment
les feuilles et les fruits. L’homme,
lui, consomme par contre directement les fruits
de certains arbres. Ainsi, le transgène
inséré dans le génome
de la plante peut être transmis vers
toutes les espèces, y compris les êtres
humains, qui sont en contact avec ces plantes
transgéniques. Une question sanitaire
se pose par conséquent. Des réactions
d'allergies peuvent arriver par exposition
au pollen transgénique de ces arbres
comme évoqué par l'ERMA dans
son évaluation de pins et sapins transgéniques. |
Recherche mondiale
: quels risques ?
Si seule la Chine commercialise aujourd’hui
des arbres GM, la recherche sur le sujet n’est
pas en reste dans les autres pays du monde. Les
Etats-Unis sont en phase de commercialiser des
arbres GM résistant aux bactéries,
ayant un pourcentage de lignine plus faible, à
croissance plus rapide ou encore résistant
à des maladies. L’ensemble des études
mondiales portent majoritairement sur ces différents
objectifs (voir encadré ci-contre). Mais,
à chaque avancée, correspond un
revers de médaille.
Le premier risque est la diffusion de ce patrimoine
génétique au sein des plantes présentes
sur le lieu de recherche. Les arbres sont de grande
taille, vivent de nombreuses années et
produisent en abondance du pollen et des graines
qui peuvent être transportés au loin
(jusqu’à 600 Km pour certains pins)
et disséminés sur de grands territoires.
Quelles solutions s’offrent alors ? Des
études ou plantations en milieu confiné,
sous serre avec traitement des flux d’air
nécessaire à la croissance des plantes
? Le décalage des périodes de floraison
des populations OGM par rapport aux populations
indigènes (ou autochtones) ? Ou encore
la stérilisation de ces plants OGM (technique
Terminator) ? Chaque solution possède sa
limite : le traitement en milieu confiné
s’avère coûteux et extrêmement
délicat, le décalage de floraison
et la technique Terminator reviennent à
modifier davantage le génome de ces plantes.
Il est bon de rappeler qu’un gène
n’est pas autonome au sein d’un génome,
mais en interaction continue avec les autres gènes.
Activer ou inactiver l’un d’entre
eux revient à modifier l’expression
des autres. Par conséquent, de trop grandes
modifications génétiques, affectant
des circuits vitaux (reproduction, croissance),
entraînent forcément des changements
morphologiques conséquents et surtout imprévisibles
sur la plante concernée, mais également
sur les autres organismes interagissant avec cette
plante.
Il existe par
ailleurs des risques collatéraux. La lignine
(composé chimique complexe présent
dans les cellules des plantes), dont le taux est
élevé dans les tiges et racines,
confère résistance et perméabilité
aux plantes. Elle permet aux végétaux
de croître en hauteur. Diminuer le taux
de lignine dans un arbre revient donc à
le fragiliser. Par ailleurs, les arbres GM pour
la lignine sont plus sensibles aux orages et autres
tempêtes. De plus, ils perdent leur résistance
vis-à-vis de certains champignons, insectes
ou bactéries. D’où un problème
crucial si cette propriété s‘étend
aux arbres forestiers indigènes. D'autre
part, donner à un arbre la résistance
à un insecticide, peut générer
des populations d’insectes résistants
à cet insecticide. De même pour les
herbicides : de nouvelles plantes naturelles,
au contact de la plante GM, acquièrent
une résistance à cet herbicide.
Enfin, les arbres transgéniques à
croissance rapide impliquent une plus grande consommation
d'eau, ce qui s'avère problématique
dans une période où l'eau tend à
se raréfier... Ainsi, les nutriments présents
dans le sol sont consommés plus rapidement,
impliquant une rupture dans l’équilibre
sol-plante. L'utilisation de fertilisants chimiques
devra donc être nécessaire pour pallier
le manque de nutriments.
Super-pouvoirs
des AGM
Les modifications génétiques
effectuées sont surtout : la tolérance
à un herbicide (32%) afin de faciliter
la gestion des cultures d'arbustes comme le
cotonnier ; l'insertion de gènes traceurs
(27%), pour évaluer les impacts sur
l'environnement, ce gène traceur étant
pisté pour suivre sa dissémination
; la résistance à un insecte
(12%), pour les arbres sujets aux attaques
de parasites ; la modification de la teneur
en lignine (9%), pour diminuer la pollution
générée lors du traitement
du bois dans la fabrication de papier. D'autres
modifications (20%) portent sur la croissance,
la stérilité et la tolérance
au froid, au chaud ou à la sécheresse.
85% des modifications sont effectuées
sur le peuplier (premier arbre transgénique,
1986), le pin, le copalme d'Amérique
et l'eucalyptus. |
SUITE
SOURCES
:
Site
Internet de l’association étasunienne
« Global Justice Ecology Project »
présentant les avancées de la campagne
internationale sur les arbres transgéniques
:
www.globaljusticeecology.org/
Site
répertoriant les différents organismes
de recherche américains qui travaillent
sur les arbres GM :
www.stopgetrees.org
Article
de Mathieu-Robert Sauvé sur la possible
commercialisation d’arbres GM au Canada
et les premières discussions sur la législation
associée.
www.forum.umontreal.ca
Le
point sur les différentes modifications
génétiques actuelles qui ont lieu
sur les arbres et leur commercialisation à
venir petit livre de Chris Lang, 2004 :
“Genetically modified trees, the ultimate
threat to forests”,
© EKWO
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DOSSIER
ENVIRONNEMENT & PHENOMENES
Article de Eric Meunier,
Association Inf'OGM
Déforestation
: le problème reste entier
L'opposition aux arbres transgéniques
porte aussi sur la faiblesse des analyses
économiques. La majeure partie de la
pulpe produite dans les pays du Sud est exportée
vers les pays du Nord, 40% du papier est employé
pour l'emballage et le conditionnement. Pour
la déforestation, les problèmes
resteront les mêmes : défrichement
de forêts primaires dans l'île
de Sumatra pour alimenter des usines de pulpe
pour pâte à papier ; forêts
remplacées par des plantations d'acacia
en monoculture ; demande de bois tropicaux
denses et décoratifs de haute qualité,
pour l'industrie du bâtiment ; ouvrages
routiers, barrages, cultures annuelles, usages
miniers et extraction pétrolière...
En parallèle, on constate que la moitié
de l'espace dans les journaux et magazines
est occupé par les annonces publicitaires.
De plus, la nécessité pour les
titres d'être disponibles dans tous
les kiosques implique le tirage d'un nombre
d'exemplaires largement supérieur aux
ventes effectives… |
Et
la réglementation ?
Aucune législation, internationale ou nationale,
ne concerne spécifiquement les arbres transgéniques.
Ils sont donc soumis aux législations couvrant
les PGM. Au niveau international, deux législations
régulent les PGM.
La première est la Convention sur la Biodiversité
avec un protocole, celui de Carthagène.
Adopté en juin 2000 et entré en
vigueur en septembre 2003, ce protocole légifère
sur les mouvements transfrontières
des PGM, en termes de
responsabilité, de traçabilité
et d'identification des PGM. Il permet également
de prononcer un moratoire sur l’importation
d’une plante GM pour cause soit de connaissance
insuffisante des risques,
soit d’un risque avéré. Mais
au vue des risques sur l'environnement, le Mouvement
mondial des forêts humides (WRM - réseau
international de structures citoyennes militant
pour la protection des forêts humides) considère
que les PGM en général et les arbres
transgéniques en particulier, sont une
violation claire de la CBD, cette dernière
obligeant les gouvernements à adopter une
attitude de précaution pour les PGM qui
peuvent causer des dommages sérieux à
la biodiversité.
La seconde législation
est l'Accord sur l'application de mesures sanitaires
et phytosanitaires de l’OMC (1995) qui oblige
les gouvernements à baser leur législation
sur l'évaluation des risques plutôt
que sur le principe de précaution. C'est
sur la base de cet accord que les Etats-Unis,
le Canada, l'Argentine et l'Egypte ont dénoncé
le moratoire européen sur les PGM.
Au niveau nationale ou communautaire, les législations
se doivent de répondre aux exigences des
législations internationales. A ce jour,
aucun pays ne possède de législation
spécifique aux arbres transgéniques.
La procédure d'autorisation de ces derniers,
que ce soit pour des essais en champs ou pour
une commercialisation, est donc similaire à
celle appliquée à toute PGM, selon
la législation nationale.
Les
OGM, qui cherche quoi ?
Aux
Etats-Unis, la première autorisation
commerciale, bien qu'attendue pour 2005,
n'a pas été délivrée.
Le travail porte sur divers objectifs :
arbres tolérants aux herbicides,
à plus faible teneur en lignine,
croissant plus vite, rendus stériles,
ou encore résistants à des
maladies. Actuellement, des essais en plein
champ sont menés sur des eucalyptus,
des peupliers, des pins et des arbres à
caoutchouc. D’autres études
sont menées, sur des arbres GM pouvant
stocker plus de carbone ou pouvant produire
de l'éthanol ou d'autres types de
combustibles. En Nouvelle-Zélande,
on étudie des pins et sapins tolérant
des herbicides et croissance accélérée
; des eucalyptus transgéniques ayant
moins de lignine, plus de cellulose, une
croissance accélérée,
une résistance aux insectes, une
tolérance au stress extérieur
et des floraisons altérées.
En Australie, des eucalyptus transgéniques.
Au Chili, sur des pins à teneur en
cellulose plus forte, teneur en lignine
plus faible et une commercialisation possible
de pins résistant à des insectes
en 2008. Au Japon, on trouve un eucalyptus
tolérant au sel et des peupliers
à taux de lignine plus faible.
|
Une
voix contestataire mondiale s’élève…
En Janvier 2004, une campagne demandant l’interdiction
des arbres transgéniques a été
lancée par trois associations finlandaises
: l'Association de Biosécurité (the
People’s Biosafety Association), l'Union
d'Ecoforesterie (the Union of Ecoforestry) et
les Amis de la terre (Friends of the earth). Ces
trois groupes environnementalistes ont adressé
une pétition internationale, plus de 300
signatures d’organisations du monde entier,
au Forum des Nations Unies sur les Forêts.
But : lui demander de condamner l’utilisation
des arbres transgéniques pour lutter contre
le changement climatique et de rechercher des
méthodes plus respectueuses de l’environnement.
Le “Mouvement mondial des forêts humides
» (WRM) consacre également une partie
de son travail d'information à la lutte
contre les arbres transgéniques. Considérant
que leur développement répond à
une logique industrielle d'exploitation forestière
ignorant que la solution à leur destruction
est dans la mise
en place d'une exploitation durable,
le WRM s'est joint à cette pétition.
Le WRM appelle tous les gouvernements, et particulièrement
ceux ayant signé le protocole de Kyoto,
à interdire la dissémination des
arbres GM. Aux Etats-Unis, les participants à
la conférence Biodemocracy 2005, conférence
alternative à celle de l'Organisation des
Industries de Biotechnologie, ont également
adressé une demande de moratoire sur tout
arbre transgénique, en juin 2005 à
la Convention sur la Biodiversité. Devant
cette mobilisation associative, différentes
instances gouvernementales montrent aussi leur
refus du tout OGM.
Les arbres transgéniques ont donc connu
un développement discret mais constant
jusqu'au stade commercial. Pourtant, ils n'ont
pas encore été sujets, ou peu, à
des études d'impacts économiques,
sur la santé, ou sur l'environnement. Plus
inquiétante que cocasse, la situation des
peupliers égarés en Chine pourrait
donner raison à de nombreuses voix dénonçant
le manque de transparence et de rigueur des autorités
de suivi de ces arbres comme de toutes PGM. Plus
fondamentalement, l'absence de législation
concernant des organismes non acceptés
par le public porte en soi des conséquences
négatives. Les réactions citoyennes
présentes ou à venir souhaitent
obliger les décideurs politiques à
agir dans ce domaine. Une action souhaitée
dans le sens de l'interdiction.
Article de Eric Meunier, Association
Inf'OGM
Extrait du dossier Inf'OGM n°70, Décembre
2005
Inf'OGM, veille citoyenne francophone sur les
OGM : bulletin mensuel d'informations, brochures,
conférences, formations...
www.infogm.org
SOURCES :
Liste
exhaustive des différentes espèces
arborescentes dont le patrimoine génétique
a été modifié par la recherche
:
www.mindfully.org
Article
de Jacques Hallard, Ingénieur au CNAM (Conservatoire
National des Arts et Métiers), sur les
dangers et risques des arbres GM. Quel est l’impact
sur la végétation naturelle en termes
de dissémination et de croisement avec
la végétation GM :
www.i-sis.org.uk/GMFTTUTfr.php
Article
sur les avantages et les vertus d’un eucalyptus
GM produisant de meilleures fibres à papier
et à croissance rapide :
www.checkbiotech.org
Pourquoi
a-t-on besoin des arbres GM ? Catalogue des recherches
actuelles au niveau mondial de Viola Sampson et
Larry Lohmann :
www.thecornerhouse.org.uk
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