Ecolo
chez soi,
écolo là-bas ?
Petit
à petit, info après info, on, nous,
pas mal de monde disons, commençons à
réaliser que nos pas, s’ils ne sont
pas légers, attentionnés et citoyens,
laissent des traces. On ramasse nos papiers en
forêt, on met nos mégots de clopes
dans les poubelles et on trie nos bouteilles.
Ici, dans nos pays " sensibilisés
". Mais là-bas, en vacances, on fait
quoi ?
Là-bas,
vous connaissez, vous y êtes peut-être
déjà allés : c’est
l’Afrique, l’Asie, l’Amérique
du Sud, où pour deux mois de vacances,
un an de vadrouille et suite à une envie
subite de lâcher la télé,
le métro et le bitume, on va voir ce monde,
loin des écrans et près des gens.
On est nombreux, très nombreux, de plus
en plus nombreux à prendre un sac, un billet
et à se projeter en quelques heures vers
d’autres cultures, d’autres paysages.
Les prévisions de l’OMT ne différencient
pas les "routards" des "quatre
étoiles" mais l’industrie touristique
est et restera pour longtemps la première
industrie mondiale, avec une croissance annuelle
longtemps à deux chiffres et qui est aujourd’hui
de l’ordre de 4%. A l’horizon 2010,
les flux touristiques devraient être de
l’ordre d’un milliard de personnes,
sans compter les flux domestiques. Et si c’est
bien le Nord qui voyage vers le Sud, les bénéfices
induits de cette manne retournent principalement
aux grands opérateurs internationaux (transport
aérien, infrastructures d’accueil)
qui, vous l’avez deviné, sont au
Nord.
Pourtant le tourisme,
et en particulier le tourisme chez l’habitant,
utilisateur des transports locaux, dégustant
les plats préparés par les Mamas
du monde entier et achetant ses souvenirs aux
artisans qui viennent de les terminer, pourrait
être une des sources de développement
locales les plus directes et les plus intéressantes.
Du commerce équitable en live !
Mais voilà,
comme le résume Doria Valayer, présidente
de l’association Transverses , "on
dit que 25 touristes individuels font plus de
dégâts qu’un groupe de 25 touristes".
Car tout "baroudeur" qu’il est,
le touriste transporte avec lui un confort d’occidental
inadapté au coin et qui aggrave trois problèmes
majeurs : le développement des décharges
sauvages, la surconsommation d’eau et l’absence
de traitement des eaux usées. Autrement
dit bouteilles en plastique et flacons de shampoing
pour des douches quotidiennes. Dans combien de
villages, des activités traditionnelles
et vitales telles que l’agriculture et la
pêche n’ont pu cohabiter avec les
besoins en eau des nouvelles guest-house ou pour
assurer les plongées des touristes ? Beaucoup.
Car le "routard", terme déjà
dénaturé par un guide, voyage aussi
en masse. Et quand le village devient campement
de jeunes et que s’installent durablement,
les coca, TV et autres pilules, on se dit qu’on
s’était quand même pas tapé
des milliers de kilomètres pour les retrouver
tous là !
On est surpris
en Asie, de constater que les restaurants s’équipent
de magnétoscopes pour que les touristes
revoient pour la énième fois Top
Gun en buvant des Heineken. Ne sont-ils pas venus
jusqu’ici pour contempler les ciels étoilés,
écouter les tambours ou flâner le
long des marchés de nuit ? On est surpris
puis carrément énervés quand
au petit matin, en suivant les gosses, on découvre
à l’arrière des villages,
une décharge sauvage pleines des fameux
flacons, et piles des walkmans. Enervés,
déçus, parce qu’on sait bien
qu’une autre importance est accordée
à ces déchets en Europe et qu’on
ne les abandonne pas comme ça en pleine
nature. Alors, pourquoi pas exporter ces réflexes
avec soi ? Pourquoi le simplet "je peux jeter
mes déchets parce qu’il y en a plein,
que les gens le font" prendrait-il le dessus
? On sait que la plupart des routards sont principalement
de jeunes diplômés ou étudiants,
aux moyens financiers limités mais mus
par une réelle envie de découverte.
Subitement, dans cet autre pays, cette autre culture,
le routard se retrouve riche au ’paradis’,
là où tout est facile et tout le
monde souriant, de quoi en oublier -il est en
vacances- les règles de base, une certaine
"conscience" que l’on voudrait
universelle.
© EKWO |
DOSSIER
EKWO ATTITUDE
Texte d’Anne
VIGNA
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Des
solutions simples
Voilà
pour les faits, voilà pour les dangers,
voilà pour le tableau noir. Reste
que comme ce magazine a pour but de l’annoncer,
il existe des solutions simples, efficaces
et pas forcément "moins chères",
critère sacro-saint dans tous les
guides de voyage et à l’origine
de pas mal de dysfonctionnements dans l’attitude
du touriste. Elles s’appellent tourisme
éthique, solidaire ou équitable,
comme vous voulez. Derrière l’effet
de mode que certains peuvent railler, elles
proposent comme philosophie, de participer
à un développement durable
à la fois pour l’hôte
et le voyageur. Rappelons que la notion
de durabilité consiste simplement
à réconcilier l’environnement,
l’économie et l’humain
et que si, là aussi, la mode dénature
l’idée, elle n’en reste
pas moins novatrice et nécessaire
aujourd’hui. Cela ne demande pas des
milliards ni des réunions au sommet
mais simplement un investissement personnel
et un regain de conscience citoyenne même
pendant ses vacances. Donc concrètement,
cela demande d’abord de préparer
son voyage sans s’en remettre complètement
aux bibles modernes et commerciales que
sont à l’heure actuelle les
guides de voyage. Entre bouche à
oreille, Internet et hasard, et en croyant
très fort au précepte "quand
on veut vraiment, on trouve", on peut
préférer les lieux où
l’accueil des touristes est synonyme
de développement pour toute une communauté
et respect de la terre. Ces lieux existent
dans chaque pays mais très rarement
dans les guides, d’où la débrouille
qui reste le propre du voyageur.
Remplir
et réutiliser
sa bouteille
L’exemple
symptomatique parmi tant d’autres
est celui de Vang Vieng au Laos, petit village
isolé, devenu passage obligé
de milliers de routards pour la beauté
de ses multiples grottes et le parfum de
son opium. En traversant la rue centrale,
vous verrez affichés les "american
burger" et autres "french breakfast"
devant des terrasses, pleines de touristes.
Tous ces restaurants sont tenus par des
Thaïlandais, mais les Laotiens, employés,
vous parlent fièrement de "Mister
Tea", ainsi rebaptisé par et
pour les touristes. Solangkoun Thanongsi
est en fait au bout de la rue et déjà
sa devanture, restaurant biologique, à
de quoi intriguer. Pas de lumières
criantes mais des containers d’eau
près des murs, pour permettre au
touriste de remplir et réutiliser
sa bouteille. Pas de télé
en fond sonore, mais de la lecture en première
page du menu pour expliquer au voyageur
que cette nourriture est issue d’une
ferme biologique dont les bénéfices
sont entièrement réinvestis
dans des structures communautaires. Voilà,
un choix des plus simples pour le citoyen-voyageur,
entre un début et une fin de rue...
Toujours
est-il qu’en se rendant à sa
ferme, vous apprenez qu’il donne des
formations gratuites sur l’agriculture
biologique aux paysans du coin, du travail
à un groupe de femmes handicapés
et crée des jardins dans quatre écoles.
Vous comprenez bien vite que c’est
le restaurant, la vente du thé vert
et des écharpes de soie qui permettent
en partie cela.
Et qu’en privilégiant ces endroits,
on participe activement à une cohabitation
fructueuse entre touristes et locaux. Sans
vouloir verser dans le pessimisme, les opérateurs
de voyage qui vendent à l’heure
actuelle la beauté d’une nature
sauvage ne se préoccupent guère
des dégâts causés sur
place. Si cet endroit est défiguré,
ils proposeront plus loin dans quelques
dernières forêts vierges une
nouvelle attraction. Finalement ce sont
les locaux qui commencent à s’inquiéter
des traces des voyageurs et conçoivent
une offre respectueuse de l’environnement
et des gens. Aux routards, en tout premier
lieu, de l’encourager afin que demain
ces lieux deviennent des modèles,
inspirateurs d’autres pratiques.
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