CHANVRE
SOUS LES TOITS

On l’a utilisé dans
la marine pour confectionner des toiles et des
cordes. On l’a employé dans l’industrie
textile pour fabriquer les premiers jeans et des
tennis. On l’a réprimé au
siècle dernier, en faveur de produits pétrochimiques...
Au point de le rayer des cultures de nos campagnes.
Mais le chanvre est tenace. Il revient en force
aujourd’hui avec un nouveau débouché
: la construction. Ecologique, bon marché,
non polluant, la plante entrevoit un nouvel avenir.
Depuis quelques
années, sous l’œil aiguisé
des autorités, la culture du chanvre reprend
en plein champ. Cultivé essentiellement
dans le nord et l’est de la France, le «
canabis sativa », chanvre textile, reprend
progressivement sa place dans le paysage agricole.
Son cousin le « canabis indica » reste
interdit de séjour à cause de sa
teneur en psychotropes.
La France assure
50%
de la production européenne
de chanvre
Le chanvre textile
est une aubaine pour les agriculteurs. Il pousse
tout seul sans engrais, ne demande que peu d’entretien,
n’abîme pas les sols et se récolte
facilement. Il n'a pas besoin d’herbicides,
sa vitesse de croissance est telle qu’il
étouffe les mauvaises herbes. Pas besoin
non plus de pesticides, le chanvre n’est
jamais malade. Résultat, depuis plusieurs
années, la plupart des produits dérivés
du chanvre sont certifiés bio.
Construire
en chanvre
On
le trouve sous les toits des maisons, sur les
murs et les planchers. Matériau sain et
naturel, cet excellent isolant thermique et acoustique
permet de restaurer ou de construire des maisons
aussi écologiques qu’esthétiques.
Ils n’étaient qu’une poignée
hier à se lancer dans la construction en
chanvre. Olivier Duport, artisan charpentier spécialisé
dans la construction de maisons en ossature bois
était de ceux-là. Président
de l’association « Construire en chanvre
»* depuis 1998, fervent défenseur
de la construction biologique, Olivier nous a
reçu. Entretien.
EKWO :
Comment peut-on utiliser le chanvre dans sa maison
?
O. Duport :
On peut faire beaucoup de choses et notamment
remplir l’ensemble des murs de sa maison.
On peut commencer par faire une chape isolante
au sol, puis combler les murs structure bois avec
des mortiers de chanvre, remplir les parois de
cloison de doublage, les planchers intermédiaires
pour les isoler thermiquement ou phoniquement,
calfeutrer les structures de toiture….
EKWO : Quelles sont les
parties du chanvre utilisées dans la construction
?
O. Duport :
La chènevotte, écorce de la tige
du chanvre constitue l’élément
le plus intéressant. Finement broyée,
cette matière légère et alvéolaire
mélangée avec de la chaux forme
une excellent mortier. C’est un matériau
très facile d’utilisation. Il ne
se rétracte pas au séchage et peut
se modeler à merveille.
SUITE
© EKWO
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DOSSIER
EKWO ATTITUDE
La fibre du chanvre peut également
être utilisée comme matelas
isolant et remplacer la traditionnelle laine
de verre. Il existe d’autres débouchés
de cette fibre encore peu exploités.
Elle peut être utilisée dans
l’élaboration de plastiques
biodégradables, assiettes, verres
et couverts par exemple.
En
2003, la France a produit
63 000 tonnes de chanvre
(et 31,7 millions de tonnes de blé)
EKWO
: Quels types
de matériaux le chanvre remplace-t-il
?
O. Duport
: Les mortiers de chanvre
remplacent tous les éléments
de murs non porteurs ainsi que les éléments
isolants. Avec un seul matériau on
fait en même temps la structure du
mur et son isolation. La laine de chanvre
remplace quant à elle toutes les
laines isolantes minérales.

EKWO
: Quels sont les principaux atouts du chanvre
?
O. Duport
: Le chanvre permet de réaliser
de considérables économies
d’énergie. En amont tout d’abord,
car le chanvre est un produit naturel, une
plante qui pousse toute seule grâce
à la photosynthèse et l’énergie
solaire. Dans son utilisation ensuite, car
c’est un matériau très
isolant qui permet de conserver la chaleur
entre les murs. En aval enfin, car le recyclage
du chanvre fait appel à des procédés
très simples. C’est le matériau
biodégradable par excellence.
Au milieu du siècle dernier,
la France comptait 176 000 hectares de chanvre
emblavés. Seulement 600 au début
des 70's. Mais 9000 hectares en 2003.
EKWO
: La construction
en chanvre est-elle reconnue aujourd’hui
?
O. Duport
: Pas encore, mais on avance.
L’association Construire en chanvre,
appuyée par le CSTB – Centre
scientifique et technique du bâtiment-,
des représentants des ministères
de l’agriculture et de la construction,
des organismes professionnels, des industriels
de la chaux, du chanvre… s’est
lancée dans la reconnaissance officielle
du chanvre comme matériau de construction.
Une commission a été mise
en place pour écrire les règles
de l’art de la construction en chanvre,
un avant-projet de DTU. Les DTU, Documents
techniques unifiés, constituent la
référence dans le monde du
bâtiment. Reconnus et approuvés
par les professionnels de la construction,
ils contiennent les règles techniques
relatives à l'exécution des
travaux et servent de référence
aux experts des assurances et des tribunaux.
Pour nous, la rédaction d’un
DTU de la construction en chanvre est une
nécessité aujourd’hui.
Ce document envisagé pour 2005 permettra
de faire reconnaître officiellement
ce procédé. Les artisans n’auront
plus aucune excuse pour ne pas utiliser
le chanvre et pourront le faire en toute
sécurité.
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